Au fil des décennies, des centaines
d'élèves ont été témoins à minima de brimades, coups,
humiliations portés à leurs camarades de classe et probablement
ont-ils été, pour un grand nombre, frappés par des enseignants
majoritairement violents et appelés à l'être par la direction de
l'école.
Ce sont des centaines témoins /
victimes dont la majorité, la très grande majorité s'est tue. Il
ne s'agissait pas de protéger l'institution en dérive par une
omerta salvatrice, il s'agissait du résultat d'un conditionnement de
l'esprit qu'aucun jugement clairvoyant n'a pu révolutionner. La
violence, la gifle, le coup de pied au derrière sont des méthodes
éducatives en cours à l'époque que ce soit dans la famille, dans
les écoles publiques qui font voler les craies et les tampons
effaceurs de tableau noir, sans oublier les règles carrées qui
frappent les doigts ; alors certaines écoles privées, prises
par le challenge d'être plus reconnues que l'enseignement laïc, ont
fait prospérer un climat de réprimande élevé.
Ainsi, un élève connaissant les
habitudes sévères, sachant qu'il est inscrit au collège Saint
Pierre du Relecq-Kerhuon parce qu'il déçoit ses parents par ses
résultats scolaires insuffisants, sachant que ses parents font le
sacrifice financier pour qu'il devienne l'élève escompté, il était
difficile de lever le ton devant des parents bienfaiteurs, à
l'encontre d'une institution religieuse à la morale irréprochable
de par son statut relatif à la religion officielle éminemment
reconnue.
Quand les élèves se retrouvaient dans
la cour de récréation après une douloureuse séance de gifles lors
d'un cours, par exemple, que Mr Bernard A dispensait avec maestria,
aucune victime ne se confiait, n'évoquait même l'incident. Le
silence, l'introversion, l'enfouissement immédiat... Certains
devaient se dire qu'en fonction de la douleur ressentie, ils ne s'en
étaient pas si mal sortis jusqu'à la prochaine fois. Quant aux
témoins, il restait l'embarra de l'impuissance, la peur d'être
alignés en rang d'oignon et frappés au prochain cours.
A chaque enseignant sa cadence de tir
et les jours de frénésie, une oreille était abîmée, un nez
emplafonné, une lèvre fendue... Ce n'était pas quotidien, mais
cela arrivait tout de même. L'élève qui rentrait le soir à la
maison devait se justifier auprès de ses parents. Que disait-il ?
Bagarre entre copains ou punition physique de son professeur ?
Admettre que l'enseignant-e ait eu la
main lourde, dans le sens de la triple peine, c'était avouer la
nullité scolaire, c'était admettre la non reconnaissance des
parents qui payaient, c'était s'exposer à une colère parentale
dont les conséquences étaient incertaines. De quelque façon que
l'enfant put raconter son histoire, il était de toutes les manières
fautif d'être un cancre. A quoi bon se raconter, puisqu'il était la
preuve vivante de sa médiocrité au risque d'être moins aimé de
ses parents.
Cependant dans les archives du collège
ou relatives à celui-ci, disséminées en différents lieux,
expurgées ; quelques lettres de parents stupéfaits par les
brimades subies par leurs fils sont passées au travers des filtres.
Dans la réalité, combien de parents se sont-ils manifestés ?
Mystère définitif. Comment les autorités religieuses ont-elles
minimisé, amadoué les questionneurs ? Mystère. Quelle est la
proportion des élèves s'étant plaints et suivis d'une action
parentale ?
Et si les agneaux s'étaient mis à
bêler tous ensemble, cela aurait-il changé quelque chose ?

Le collège
Fondateur de l'école St Pierre • L'histoire du collège St Pierre • Le directeur • Sous-directeur • Le recrutement • Les professeurs • La mixité • Le silence des élèves • Le plaisir dans la violence • Le directeur des collèges • Responsabilités des parents • Témoignage • Victimes
Institution religieuse
Communiqué de presse • Dissimulations des autorités religieuses • Déclarations imprudentes • Les institutions savaient • Direction de l’Enseignement catholique • Autonomie de l'enseignement privé • L'Eglise pardonne
Le contexte
Mai 1968 • L'histoire du Relecq-Kerhuon • Le CES insatisfaisant • Palmes académiques • La presse muette • Avis maladroits
La législation
Déccret 1887 • Loi 1959 • Décret 2025 • Le parquet de Brest • Les suites judiciaires attendues • L'anonymat obligé • L'audition par la commission d'enquête • Les établissements coupables